Lettre à Anne Octobre 94
Octobre 94
j’envisage très sérieusement de quitter la France où rien, ni personne ne me retient.
Tu n’as pas besoin de moi. Tes enfants ont intégré tes sentiments de rejet à mon égard.
Mes quelques rares patients ne sont pas en danger, et je leur ai offert assez d’autonomie pour qu’ils puissent se passer de moi.
Dominique a fait ce qu’il fallait pour tuer l’amour qui m’habitait malgré tout ce que j’ai fait pour le préserver.
Paris est terriblement pollué et j’y ressens une torpeur physique et mentale.
J’attends de disposer de l’argent que Jean m’a laissé pour partir loin de ce qui m’a blessée.
Je ne sais pas encore où ! Le Québec m’a touché... l’Irlande est belle !
Le niveau de vie de l’Asie me permettrait de vivre sans angoisse un certain temps sans avoir à me préoccuper de gagner de l’argent.
Reste ce lieu, agréable, peu cher ! Reste tout un travail inachevé engrangé dans l’ordinateur... des documents, des notes... que je n’emporterai pas quand je mourai.
Alors pourquoi ne pas s’en détacher pour vivre dans la beauté en pratiquant la méditation...
Certains de mes élèves auront peut-être envie de poursuivre le travail et de le mettre au monde. Si non la transmission orale continuera.
A-t-on besoin de laisser des traces ? Nos pensées s’inscrivent-elles dans l’univers ?
Nos actions sont-elles plus importantes que nos motivations ?...
Et cependant j’assume le quotidien difficile.
Quand j’ai envisagé de te faire adopter. Ce n’était pas par manque d’amour.
Tu véhiculais une image de mère si forte, que je me sentais impuissante à répondre à ton idéal et ne me sentais pas le droit de t’en priver. Espérer que d’autres te donnent ce que je ne pouvais pas te donner n’était pas un choix égoïste !
En revenant d’Asie, j’avais ce même sentiment d’échec...
La distance ne m’ayant ni fait prendre des centimetres, ni perdre des Kilos !
Quoique que je fasse, je ne serai jamais à la “hauteur” !