Le peintre Touo-lan-ka Dernières corrections. sept 2017

Publié le par reecrits par SarahMaia

Le peintre Touo-lan-ka
Bien loin dans le Sud de la Chine, se trouve un village entouré de palmeraies 
où vivent des gens que l'on appelle des T'ai.
Un peu en dehors du village, au bord d'une rivière à l'eau transparente,
se dresse un vieux pavillon délabré, fait de bambous entrelacés. 
C'est là, qu'il y a bien longtemps, vivait le peintre Touo-lan-ka. 
Ce n'était pas un peintre ordinaire. Il était vraiment «habité» par la peinture,
et peignait sur tout ce qui lui tombait sous la main, du papier, de la soie, du bois....
Il ne sortait que rarement. 
Il ne faisait qu'un saut de temps en temps au temple du village. 
Ne croyez pas que c'était pour prier ou pour offrir des sacrifices aux dieux. 
Ce n'était pas dans sa nature. 
Il restait bien tranquille dans un coin observant ceux qui venaient là
et gravait leurs traits dans sa mémoire. 
Puis il rentrait chez lui, s'enfermait dans son pavillon, prenait son pinceau
et se mettait à peindre, peindre... ignorant si dehors c'était le soleil ou la lune qui brillait. 
Il peignait sept visages par jour. À la fin de la semaine,
sept fois sept visages accrochés sur les murs de son pavillon le regardaient. 
Un soir, alors qu'il commençait à peindre le quarante-neuvième visage de cette semaine-là - c'était par une nuit d'orage, un vent violent ployait les arbres jusqu'au sol et il tonnait - quelqu'un frappa à la porte.
« Qui cela peut-il bien être ? » grommela le peintre. 
- Je suis la Mort, déclara une voix derrière la porte. Je suis chargée d’accompagner les âmes des défunts et aujourd'hui le Roi des Cieux m'a envoyée te chercher.
« Le tonnerre aurait pu la frapper, cette maudite ! » pensa Touo-lan-ka,
et le coeur serré, il alla ouvrir. 
Sur le seuil, se dressait une ombre aussi sombre que la nuit, toute de noir vêtue.
- Entre, dit Touo-lan-ka, mais tu vas devoir attendre, je dois achever ce portrait. 
Et comme si de rien n'était, il tourna le dos à la Mort,
reprit son pinceau et se remit à peindre.
Voyant que Touo-lan-ka ne se souciait pas d'elle et peignait tranquillement,
la Mort s'impatienta : 
- Allons allons, dépêchons-nous un peu, tu ne peux pas faire attendre le Roi des Cieux !
- Ne te fâche pas, répondit doucement le peintre,
il faut que j'achève de peindre cette fillette. 
Vas plutôt dire à ton maître qu'il ait un peu de patience.
Curieuse de savoir ce que Touo-lan-ka peignait,
la Grande Faucheuse s'approcha pour regarder. 
Son coeur glacé tressaillit. Sur le tableau, une jeune fille semblait lui sourire !
Jamais elle n'en avait vu de si belle. 
Tout doucement, sur la pointe des pieds, elle sortit du pavillon de bambou
et s'en retourna au ciel.
- Tu reviens seule ? demanda sur un ton sévère le Roi des Cieux.
- Que Votre Majesté me pardonne, s'excusa la Mort,
mais j'ai dû le laisser achever de peindre un visage.
- Je n'ai jamais entendu une chose pareille ! s'exclama le Roi des Cieux. 
Retournes y et ramène le moi !
je ne laisserai pas un peintre récalcitrant enfreindre la loi du Ciel !
La Grande Faucheuse redescendit sur la Terre. 
En traversant la palmeraie, elle voyait clignoter au loin la petite lumière de la fenêtre
du pavillon de bambou.  
C'était la seule tache claire dans l'obscurité. 
Bien décidée à ne pas se laisser fléchir, elle ouvrit brusquement la porte et resta pétrifiée.
Du tableau, le visage tendre et lumineux d'une jeune fille lui souriait. 
Un tel visage, même au ciel elle n'en avait jamais vu de pareil.
« Quelle hâte », grommela le peintre sans se retourner, tout absorbé par sa peinture. 
Cette fois la Mort ne se laissa pas repousser. 
Touo-lan-ka, obéissant, rassembla ses affaires, quelques esquisses,
un cierge de sacrifice et suivit la Mort.
Devant le Roi des Cieux, le peintre s'inclina et s'agenouilla
comme il convient à un simple mortel. 
Dans la main gauche, il tenait le cierge allumé, et dans la droite son matériel de peinture.
- Bon, bon, dit le Roi des Cieux en hochant la tête d'un air magnanime,
je sais que sur la Terre tu étais un peintre célèbre, et que tu ne peux pas vivre sans ta peinture. Eh bien, tu pourras continuer à peindre au Ciel !
Touo-lan-ka s'inclina profondément, en remerciant le Roi des Cieux de cet honneur. 
Pourtant, il ne put retenir quelques larmes. Cela se comprend ! 
Il venait de se séparer de son pays et de la Terre à laquelle aucun ciel ne peut être comparé. 
Un peu triste, il souffla son cierge, et la Mort le conduisit jusqu'à l'Esprit de la Vie,
qui lui dit :
- Dorénavant, ta place est ici et maintenant tu peindras les visages des enfants à venir.
Le peintre s'installa auprès de l'Esprit de la Vie. 
Il disposa sur le sol, près de lui, ses pinceaux, sa pierre à délayer l'encre,
son petit pot à eau, son encre de Chine et se remit à peindre. 
Chaque fois que l'Esprit de la Vie devait donner une âme à un nouveau-né, Touo-lan-ka cherchait dans ses portraits celui qui conviendrait le mieux à ce futur être humain.
Les mamans Tai lui font de belles offrandes pour qu'il attribue à leur bébé le plus beau des visages.

Publié dans CONTES TIBÉTAINS

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