Lettre à Anne 18 Sept. 95

Publié le par SarahMaia

 
18 Sept. 95   Bonjour Anne,
J’avais cru que se retrouver 3 ans après son “départ” aurait eu une incidence heureuse...
Il a suffit que je dise que les enfants passaient toujours après ! pour provoquer un débordement de haine que le rappel de cet anniversaire n’a fait qu’exacerber.
Comment me réjouir lorsque je te vois faire les mêmes erreurs que celles que j'ai faites et qui conduisent aux mêmes souffrances ?
Les “manques” de l'enfance laissent de traces indélébiles ! Les enfants se souviennent plus de ce qu’ils n’ont pas eu que de ce qu’ils ont reçu ! (tu en es l’exemple !) 
 
De même qu’il y eut l’ère de Yves ! il y a l’ère de Pierre !!!
Je n’étais pas consciente que ce que je lui donnais vous manquait, que votre besoin de moi était éphémère ! Les enfants veulent tout. Ils ont besoin de tout pour se construire dans la confiance. 
Si on leur mesure notre temps et notre disponibilité, il leur manque quelque chose qu’il passeront leur vie à essayer de rattraper (dans les cigarettes, la bouffe, le sexe, le boulot et le reste !!!)
Ta mémoire consciente a effacé ce que tu as reçu et ne garde que l’empreinte de ce qui t’a manqué (la patience ! la présence ! l’espace !!!! )
La maison était toute petite ! mais tout y était en abondance, jusqu’à cette grave dépression qui nous a laissés démunis ! ce ne fut qu’un passage et tu ne te souviens que de cela.
Je me réjouis de voir Eva-Marie-Lys garder son calme dans la tempête, maintenir son rythme et ne pas s’en laisser détourner... 
William n’a pas sa force tranquille, tout changement de rythme le perturbe profondément. 
Il a besoin d’un soutien psychologique pour accepter que tout ce que tu lui as affirmé pendant ses premières années, n’était pas vrai pour toujours. Que papa et maman s’aimaient et seraient toujours ensemble... Que maman ferait des confitures... et qu’ils vieilliraient assis sur le même petit banc en regardant l’horizon !!!
Et la même année, à quelques mois d’intervalle, au moment où il était le plus vulnérable, Jean mourait... vous déménagiez... vous en faisiez le témoin de votre mariage... de votre séparation... de la mort de sa chienne... et de l’installation de Pierre à la place de son père.... 
Bien sûr ! tu n’es pas responsable de tout !
Mais TROP ! c’est trop ! alors il s’est cassé la jambe pour être dans l’impossibilité de se déplacer et de choisir vers qui aller ! Quand il crie “je te déteste !”, et peut importe à qui, il hurle de tout son être “je me déteste ! ” de n’avoir pas pu empêcher tout cela ! 
Aucune “explication” ne peut l’aider à surmonter son sentiment d’impuissance.
Il a besoin de quelqu’un de non impliqué, qui l’écoute et l’entende, d’une psychologue rien que pour lui, qui écoute ses “non-dits” et ses souffrances tues. 
Parce ce qu’il est, comme toi, tendu et à vif, William a besoin d’être aidé.
Mes erreurs passées ne peuvent pas servir d’alibi à tes erreurs actuelles. 
Corrige ! il en est encore temps !
Vas à Brest une fois par semaine si c’est à Brest qu’il faut aller, pour William et pour toi. 
Il y a des centres de consultations gratuites dans toutes les grandes villes !
Et trouve toi un travail de 9h à 17h, pendant qu’ils sont à l’école !
Les gravures de ton père qui traînent Ont de la valeur !
Je mets le fruit de mon travail, de mes stages et de mes consultations à ta disposition si tu t’occupes de les organiser.
J’ai mis une affiche dans une boutique de diététique à Quimper... et j’ai un billet de retour valable jusqu’au 18 Nov. !  
Courage ! ne regarde pas ce qui te manque ! fais fructifier ce que tu as !
Avec toute la tendresse que j’ai pour toi, je t’embrasse et vais t’ouvrir un compte d’épargne logement à la poste, ce qui te permettra d’obtenir un prêt pour financer des travaux.
 

Publié dans LETTRES à ANNE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article